Bénin: La malédiction des fins d’années…

4 décembre 2013

Bénin: La malédiction des fins d’années…

Des populations stupéfaites devant un accident de circulation à Parakou, Crédit: Ludovic Ayédèguè...
Des populations stupéfaites devant un accident de circulation à Parakou, Crédit: Ludovic Ayédèguè…

Hermann, mon compatriote a déjà donné le ton. Il y a quelques jours, son billet revenait sur la dangerosité de la circulation dans la grande agglomération de Cotonou. Ce cliché illustratif du risque élevé de circuler dans Cotonou n’est rien d’autre qu’une exposition en miniature de ce qui se vit dans le Bénin tout entier. A la fin de la lecture de son billet, une tentation me saisit, celle de présenter ce phénomène récurrent, de la peur au guidon, au volant et même sur le trottoir quand on est usager de la route au Bénin. Et cette tentation a atteint son paroxysme au bout de mon dernier voyage sur la capitale économique Cotonou. Sur un trajet de moins de 500 km, je ne peux me souvenir avec exactitude du nombre d’épaves de véhicules accidentés abandonnés aux abords des voies. Une chose est certaine, plus d’une douzaine d’accidents se seraient produits tout récemment sur le tronçon Parakou-Porto Novo-Cotonou. En témoignent ces carcasses de véhicules, ces herbes le long des artères qui chez nous, servent de signalisation en cas d’accidents. Dans certaines localités, j’ai même vu pis. Encore du sang humain gît sur le goudron.

Mais ce qui m’étonne depuis plus d’une vingtaine que je respire le bel air de mon Bénin est en premier plan la recrudescence de ces accidents de circulation à une période particulière de l’année. Pour qui vit au Bénin, habitué au non de ses axes routiers, sait que chez nous, la fin d’année rime avec graves et mortels accidents de circulation. Et bien des années que cela dure. Une situation devenue tristement célèbre qu’on hésite point à rattacher à une croyance pour le moins « ridicule ». La malédiction de la route qui s’est emparée des béninois en fin d’année a germé dans l’esprit des communs de mortel que cette période serait destinée au bilan des âmes. Plus drôle encore, on vous dira dans certains milieux que si le nombre d’âmes attendues au « ciel » n’est pas atteint, les accidents de la route en fin d’année seraient le seul moyen pour «Dieu» de combler la différence. Le recours aux accidents de circulation serait dû, en effet à l’absence d’une situation géo-écologique dangereuse dans le pays pour provoquer des ouragans, des cyclones, des tremblements de terre, du volcan et autres…

A cette croyance, beaucoup y croient. Beaucoup y vouent un culte. Pour échapper au bilan de « Dieu », combien sont-ils à recourir aux sacrifices dans les couvents, les temples du vaudou ? Combien sont-ils à s’adonner des heures durant à des séances de prières, de délivrance et de protection dans les églises du réveil ? Bien qu’un chiffre exact ne puisse être établi, on sait que la période des fins d’années est aussi celle des bonnes affaires pour les dignitaires des cultes endogènes, chrétiennes, musulmanes et autres. En effet, des millions de béninois s’attellent à faire des offrandes à leurs dieux pour ne pas se retrouver dans la balance « mortuaire » des fins d’années.

Des prières, des sacrifices, des offrandes qui, pour le moment, peinent à conjurer définitivement le mauvais sort. Puisqu’il n’y ait point un béninois qui ne le fait en fin d’années, on peut se demander pourquoi on en finit point avec ces accidents mortels de fin d’année depuis des générations. Tenez, dans la seule ville de Parakou, trois cas d’accidents mortels ont été enregistrées en une semaine dans le mois de novembre avec un bilan humain très lourd. Pas moins d’une dizaine de vies humaines ont été perdues dans ces trois accidents, et autant pour le nombre de blessés graves hospitalisés en urgence au centre hospitalier départemental de la région. Autant pour une seule ville d’environ 250.000 habitants en une semaine, combien y en a-t-il à l’échelle nationale ?  C’est un secret de polichinelle pour tous les béninois que le service des urgences dans les hôpitaux, des secours, des sapeurs pompiers ne connaissent point un jour de repos sur toute l’étendue du territoire national. Mais pourquoi donc autant de drames de la route en fin d’années ?

Les causes d’un mal devenu perpétuel…

Malgré la détermination des agents du Centre National de Sécurité Routière (Cnsr), de la brigade routière pour renforcer la sécurité sur nos axes routiers, le problème reste entier dans son ensemble. A chaque accident de la circulation, qu’il soit en fin d’année ou en pleine année, le même refrain. Excès de vitesse du conducteur, absence de visite technique, défaut de frein ou vétusté du système de freinage, imprudence des usagers, taux élevé d’alcoolémie, absence de casque de protection pour les motocyclistes, de ceintures de sécurité, usage du téléphone portable ou des tablettes numériques par les conducteurs, sont autant d’éléments à l’origine des accidents sur les axes routiers du pays. Et en période de fin d’année, c’est l’excès de vitesse des chauffards, la précipitation des usagers de la route (motocyclistes, piétons) qui sont souvent pointés du doigt. En effet, ils sont nombreux ces béninois qui veulent réaliser de bons chiffres d’affaires en fin d’année afin de passer d’avoir de ressources financières pour d’agréables moments de fête. Mais cette folle course pour l’argent des fêtes tourne au drame pour certains, qui fauchés par les accidents ne laissent que des larmes à leurs proches pour pleurer leurs morts. Et Consternation, désolation, stupéfaction, tristesse deviennent leur sentiment de fin d’années.

Amoureux de cette croyance populaire qui suppose qu’il ne peut ne pas avoir des accidents de circulation en fin d’années, nombre de béninois oublient très vite «  Qui va lentement, va surement ».

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Commentaires

hermann
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j'aime ton arTicle.. Il est super bien écrit avec un style de français digne d'un roman. tu as raison avec les fins d'années, c'est vraiment un secret de polychinelle chez les Béninois.. Et trop gentil, le clin d'oeil au début du billet

De Rocher Chembessi
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Cher Hermann, merci pour tes mots aussi sympathiques sur le billet. Beh dis toi que ton billet m'a beaucoup inspiré aussi...