Célébration de la fête de Bière (Réjouissance ou empoissonnement des jeunes?)

18 novembre 2013

Célébration de la fête de Bière (Réjouissance ou empoissonnement des jeunes?)

Mes fidèles lecteurs ont sans doute pris le temps de le savoir ! Je n’aime pas me lancer sur mes billets sur un ton de dénonciation. Oui ! Ils ont fini par découvrir que des billets teintés de mauvaise humeur ne sont peut-être pas mon fort.  Mais celui-ci, j’aurais bien aimé l’écrire sans humeur. J’aurais bien aimé réchauffer ma plume cette semaine au bord d’une des belles plages de mon adorable Bénin. Et pourquoi pas sur l’une de ses chutes ou ses parcs animaliers qui font la beauté de mon Bénin natal. Mais bon, j’avais juste besoin d’un petit air décontracté, de la bonne fraîcheur loin des quatre murs de ma chambre encore aux couleurs de mes années d’étudiant pour que ma plume s’emballe.

Et je ne me suis pas prié d’offrir à ma cervelle ce petit plaisir de se mettre en branle loin de la folle chaleur de ma chambre. Pour qui me connait, je vis à Parakou, capitale du Nord du Bénin dit-on ! Mais nous qui y sommes, savons bien qu’elle est loin d’être une capitale, plus est la capitale d’une région d’un pays qui se veut émergent depuis 2006. A Parakou, 3ème ville à statut particulier du Bénin où nous vivons sans salles de cinémas, des aires de jeux, des parcs d’attraction, je ne pouvais offrir grand honneur à ma plume sur nos cieux locaux. Il n’y avait qu’une bonne flânerie dans une de ces places publiques royalement au noir, avec un entretien désolant.

Comme ses milliers de jeunes de Parakois[1], je me suis embarqué dans un petit groupe d’amis pour la très populaire Place Bio Guerra de la ville. Mais ce week-end, le décor est d’un autre jour. Du silence de cimetière qui nous plongeait parfois dans de longs rêves, je fus accueilli déjà à plus de 2 kilomètres par ses sonorités de vieille date qui faisaient la fierté de la musique africaine. De l’obscurité qui nous envahissait sur toute la place, je fus illuminé depuis plus de 500 mètres par un éclairage digne de l’opéra de Paris.

Dans ma folle naïveté, j’eus crû de loin à un changement de décor à la Place Bio Guerra. Mais bon, cela fait bien longtemps (quatre mois au moins) que je m’y suis rendu. Hélas, le Roi Bio Guerra[2] recevait juste des invités de nouveaux genres pour ce week-end. A cette place située à moins de 200 mètres de l’Université de Parakou, une belle horde d’amateurs de première classe de la bière.

La bière...
La bière…

En effet, la population locale fut conviée pour trois jours et trois nuits à cette très populaire fête de la bière. Et durant tout ce laps de temps, des milliers de jeunes n’ont eu pour distraction que s’abreuver au goût de l’alcool. De la bière pour se faire une nouveau mental!?

Fort heureusement je me suis retrouvé avec des amis qui signifiaient une haine exponentielle pour l’alcool et la bière. Et moi de même car je peux bien prétendre être celui qui a prêché « cette bonne nouvelle ». Il n’en fallait donc pas plus pour entendre mes amis présenter cette manif comme un crime contre la jeunesse. Un crime qui aura été bien répété du début jusqu’à la fin des hostilités. Dans un premier temps, bien que les services de secours de la ville ont reconnu avoir été moins sollicités cette année que les autres, cette fête a tout d’un appel à la paresse, à l’alcoolisme et à la délinquance. Souffrez, c’est mon opinion ! Avec mon œil d’observateur, j’ai pu réaliser que les agents recrutés pour la fête dans la horde de chômeurs et d’étudiants à la requête du pain de vie, étalaient malgré eux, leur incapacité à contrôler le nombre de bouteilles de bières consommés par les clients (bien que cela leur ait été recommandé pour éviter qu’ils s’en saoulent et fassent des dégâts), la présence de certains mineurs sur le périmètre de la fête. Ma colère aurait pu s’estomper car je réalisai que pour la fête de la bière de cette année, on a pu éviter les heures de travail, sans doute par souci de marketing et de chiffres d’affaires que d’éthique. Hélas, la fête avait bien lieu juste en face du centre hospitalier départemental, à quelques 200 mètres de l’Université, et seulement 50 mètres d’un collège d’enseignement général. Sans doute pas une belle idée… La bière, les malades et les études n’ont jamais fait bon ménage. Que dire de ces jeunes qui ont laissé toute activité rémunératrice pour se consacrer entièrement à la bière au cours de la période.

J’en étais là à me plaindre sans savoir que d’autres gentlemen venus mesurer leur ténacité alcoolique se plaindre eux aussi du vol de leurs motos, de la perte de leurs téléphones portables ou tablettes. Rien que çà ! Mais non chers amis, je n’ai pas manqué de mémoriser dans ma petite cervelle ces scènes hautement impudiques. J’ai ouïe dire que les cas d’accidents de circulation étroitement liés au dosage alcoolique ambiant des jeunes n’ont pas manqués se produire dans la ville.…

Des participants de la fête de bière au Bénin
Des participants de la fête de bière au Bénin

Dieu aidant, Y en avait qui s’en sont désolés autant que moi. Et eux n’ont pas manqué de le dire très haut. En effet, quelques faiseurs d’opinions (grogneurs) ont profité des antennes des radios locales pour interpeller la société organisatrice de cet événement sur les dispositions qu’elle prend pour réduire au minimum le risque d’abus d’alcool. D’autres ont même évoqué la durée trop longue de la manif et la forte présence des ados. Il y en avait de plus radicaux qui protestent contre la fête de la bière et militeraient pour sa cessation. Pour eux, les autorités politico-administratives du Bénin doivent se rendre à l’évidence que c’est la jeunesse (l’avenir d’une Nation) qui est désorientée et malmenée au cours de ces fêtes de la bière. Et l’avenir se lit davantage en pointillés… « C’est un suicide collectif qu’il faudra arrêter tôt ou tard » rétorque Djibril Chabi, un ancien accroc de la fête de la bière qui réclame aujourd’hui s’être repenti. Toutefois, les politiques auraient tout un intérêt que la fête perdure, estiment ironiquement d’autres amis avec qui j’ai pu en discuter. Pour eux, la jeunesse béninoise oubliée par les politiques de tout bord  ne trouve comme solution pour s’évader de ses soucis que de s’adonner à ces activités de réjouissance. Ce qui en appellerait tout simplement à la responsabilité de l’Etat face à sa jeunesse….



[1] Nom donné aux habitants de la ville de Parakou

[2] Ancien Roi de la dynastie Baatonnu (bariba) du Nord du Bénin dans les années

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Commentaires

DJOHY
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Pourquoi une fête de la bière? Cette question pour moi mérite d'être traiter à tous les niveaux. D'aucun me dirons que c'est une stratégie marketing. Mais est-ce vrai? C'est ça le développement? C'est ça l'emploi des jeunes? C'est ça l'agriculture inclusive?
Ah je vois! Plus rien d'autre comme opportunités et pour consoler une jeunesse affamée en quête de pain quotidien à travers la cybercriminalité, la fête de la bière...
Une fête parmi les fête.
Oui, la fête de la bière...Ah je vois c'était la fête de la cigarette avec Bob Marley la dernière fois à l'université...Ah mais ou allons-nous chers amis?...Mais ne dit-on pas que l'excès de toute chose nuit? ...Non Qu’est-ce que l’abondance même? Un mot et rien de plus, un vilain mot même..."le nécessaire suffit au sage" dixit Euripide...

De Rocher Chembessi
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Cher ami! Autant que toi je n'ai jamais pu saisir le sens de cette fête qui mobilise chaque année des millions de jeunes dans le monde dans l'oisiveté et l'alcool. Seuls les amateurs en savent quelque chose...