En visite au Bénin: Macky Sall a-t-il dit « Non » à Yayi?

25 novembre 2013

En visite au Bénin: Macky Sall a-t-il dit « Non » à Yayi?

Boni Yayi (à droite) en chaudes discussions avec Macky Sall (à gauche)
Boni Yayi (à droite) en chaudes discussions avec Macky Sall (à gauche)

Quarante huit heures durant, le Président de la République du Sénégal a séjourné au Bénin pour une visite de travail qui devrait permettre de réchauffer les liens de coopération bilatérale et la signature de deux accords de partenariats entre les deux pays. Aussi cette visite s’inscrit-elle dans une dynamique de réflexions sur la résolution des crises du continent et les stratégies de renforcement des capacités de création d’emplois pour les jeunes.

Néanmoins, la présence du président sénégalais sur le sol béninois a été une bouffée d’oxygène pour des milliers de béninois. En effet, ils se chantaient dans certains milieux que cette visite pourrait permettre de dissuader le Chef de l’Etat Boni Yayi de sa chimérique ambition de réviser la constitution. Pour s’en convaincre, il fallait lire la presse locale, écouter les grognes des auditeurs des radios privées du pays. L’attente était grande. Et pour cause, le Sénégal fait figure de modèle démocratique en Afrique francophone. Une position qui assure au pays de la Teranga une grande estime au plan mondial.

Mais pour arriver là, le Sénégal revient de loin. Et Macky Sall, qu’on le veuille ou pas, en a été le héros, puisque c’est lui qui a hérité du fauteuil présidentiel au lendemain des secousses qui auraient pu marquer la rupture du Sénégal avec la démocratie. Tout comme Boni Yayi au Bénin, l’ancien président sénégalais Me Abdoulaye Wade avait conduit jusqu’à son aboutissement un processus forcé de révision de la constitution. Bien qu’il ait chanté sur tous les toits avec le soutien de quelques juristes français et sympathisants sénégalais, que cela ne conduisait pas à une Nouvelle République, il s’était ravisé pour se présenter aux élections. Des élections qui allaient fini par perdre au second tour devant l’actuel président Macky Sall. Et une défaite qu’il a démocratiquement reconnue.

Ce fut tout de même une période sombre de l’histoire du Sénégal. A cet effet, le président sénégalais a-t-il eu l’audace et l’amabilité de dire à Boni Yayi de renoncer à son projet de révision de la constitution ? Difficile de le savoir, mais lui symbole de la résistance aux pratiques « machiavéliques » de Me Abdoulaye Wade devrait montrer le chemin de la sagesse à son aîné Boni Yayi arrivé au pouvoir en 2006 au Bénin. A l’aéroport de Cotonou, les mots étaient bien doux et les accolades étaient chaudes entre les deux hommes.

Macky Sall rendait visite à un frère et à un ami pour qui, il était déjà venu au Bénin pour sa première investiture du 06 Avril 2006 en tant que Premier Ministre du Sénégal. « Je voudrais dire toute ma joie et tout le bonheur que j’ai à me retrouver à Cotonou auprès de mon frère, ami, le président Boni Yayi. Pour répondre à son aimable invitation mais aussi pour honorer un devoir agréable que j’ai eu depuis mon élection» a-t-il déclaré. Quant à lui, Boni Yayi, a réïtéré les félicitations de la nation béninoise pour la brillante élection à la tête du Sénégal de « son cher frère ami, président démocratiquement élu » Macky Sall.

C’était bien beau !

Tous les deux chefs d’Etat affichaient une grande affinité digne des longues traditions fraternelles entre les sénégalais et les béninois. Toutes les deux délégations démontraient une assurance dans la mise en œuvre des deux accords de coopérations nouvellement conclus. Mais ce que le peuple n’a pas entendu, ce que même certains ministres ne savent pas, c’est la quintessence de cette tête à tête à huit clos au palais de la République entre les deux chefs d’Etat. Peut-être que là, Macky Sall a eu de la hauteur. Peut-être qu’il a pu être honnête envers son « frère et ami ».

Macky Sall – Boni Yayi : Les vérités?

Macky Sall a-t-il pu dire à Yayi de ne pas être ivre de son pouvoir au point de ne plus en vouloir s’en départir ?  A-t-il pu rappeler à son hôte les vrais préceptes du pouvoir d’Etat qui voudraient que le Chef ne soit pas la terreur de son peuple, de ses hommes d’affaires ? A-t-il pu rappeler comme il l’a fait pas si longtemps avec la démission de certains de ses collaborateurs que la fermeté, l’humilité, la courtoisie, l’intérêt supérieur de la Nation, doivent être la personnalité d’un Chef d’Etat ? A-t-il pu faire savoir à son « frère et ami » qu’un président n’est point un Dieu devant des « petits » mais le serviteur d’un peule et non celui d’une région?

A sa descente d’avion, le président Macky Sall déclarait à la presse, « Comme vous le savez le président Boni Yayi est un économiste qui a beaucoup d’idées qu’il met en chantier… ». Ici, nul ne le conteste. Boni Yayi, double docteur en Economie, docteur Honoris Causa de l’Université de Gaston Berger du Sénégal, ancien fonctionnaire de la défunte Banque de Commerce du Bénin (BCB), de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, ancien conseiller à la Cellule d’Analyse Macroéconomique du Président Nicéphore Soglo, ancien président de la Banque Ouest-Africaine de Développement (Boad), ancien Président de l’Union Africaine, Président en exercice de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) est un économiste réputé, pétri de talents, mondialement reconnu. Néanmoins, le président Macky Sall a-t-il bien pu lui demander pourquoi tant d’échecs sur le plan économique, de développement humain, de lutte contre la corruption, pourquoi tant de scandales financiers au Bénin depuis 2006 ? Un ancien député béninois, Janvier Yahouédéhou, ancien proche du Chef de l’Etat déclarait dimanche sur une émission de radio locale, « tout ce que Boni Yayi touche depuis 2006 échoue ».

Pour qui connait le Bénin donc et s’intéresse à sa vie politique comme ces milliers de Béninois pris dans l’étau d’un pouvoir terrorisant et qualifié de « ventilateur » par l’opposant Adrien Houngbédji, Macky Sall avait de lourdes responsabilités aux yeux de ces derniers durant son séjour au Bénin. Il devrait être leur porte-parole, avocat défenseur auprès de la toute puissante autorité suprême de l’Etat béninois qui n’est rien d’autre que son « frère et ami » Boni Yayi, surtout qu’à un frère, on peut tout dire.  On pouvait même lire dans quelques journaux locaux des appels pressants adressés à Macky Sall pour, disent-ils « ramener le Président Boni Yayi au respect de l’ordre constitutionnel et de la haute et prestigieuse fonction d’Etat ».

Macky Sall a-t-il comblé ces monstrueuses attentes placées en lui durant son séjour au Bénin ? Seuls prochains jours édifieront le commun des béninois…

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Commentaires

EKEDI EDJENGUELE Anne Michelle
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Que de questions ô combien pertinentes..

DJOHY
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Wait and see!!!