France : droits de l’homme à double vitesse

10 janvier 2014

France : droits de l’homme à double vitesse

Moukthar Ablaziov bientôt dans les geôles russes?
Moukthar Ablaziov bientôt dans les geôles russes?

Sauf revirement spectaculaire, l’opposant au régime russe d’origine kazakhe, le milliardaire Moukhtar Abliazov sera extradé vers la Russie. Conséquence directe d’une décision favorable rendue ce 9 janvier par les juridictions françaises. Une décision de justice condamnée par nombre de « droits de l’hommiste », qui relance vaillamment la polémique sur une France de deux poids, deux mesures.

De mon Bénin natal, c’est une décision pour le moins invraisemblable. Comment comprendre que la justice française puisse donner un avis favorable d’extradition vers la Russie ? Moscou est-elle devenue fréquentable jusqu’à ce point ? Pour se conforter, la justice française évoque des préjudices astronomiques causés par l’oligarque Abliazov sur le sol russe ? Mais à y voir de près, on peut s’empresser de dire qu’il y a un arbre qui cache la forêt ? Quels intérêts de la France sa justice dite « indépendante » et « impartiale » veut-elle protéger par cette décision ? La récente vague de grâce présidentielle du Kremlin pour libérer des prisonniers politiques est-elle suffisante pour croire à la justice russe ?

Dans une comparaison qui est la mienne, la Russie est-elle plus démocratique que le Bénin ? Quelle garantie la justice russe a-t-elle donnée aux juridictions françaises que celle béninoise a pu méconnaître en son temps ?

Pour qui l’ignore, le Bénin avait aussi sollicité de la justice française l’extradition d’un de ses puissants opérateurs économiques Patrice Talon dans une affaire ayant défrayé la chronique au Bénin. Mais la justice française lui a opposé une fin de non-recevoir pour cause d’absence de garantie de respect des droits de l’homme et de vice de procédure.

A cet effet, on peut s’étonner que la Russie ait pu obtenir gain de cause du tribunal d’Aix-en-Provence pour qu’on lui extrade Moukhtar Ablaziov. Contrairement à nombre d’affaires politiques dans lesquelles la France a refusé d’extrader les mis en cause vers leurs pays d’origine, extrader un homme bien qu’il soit qualifié de « délinquant de grande envergure » ou comparé à l’escroc américain Bernard Madoff vers la Russie, qui de plus n’est pas son pays d’origine laisse place à de nombreuses supputations. Qu’a promis Moscou à la France ? Nul ne saurait le dire ? Mais pourquoi offrir un être humain en sandwich aux autorités russes en pleine crise politique entre Moscou et l’Union européenne pour une affaire financière ?

Sans doute que la justice française s’est décidée de suivre l’exemple londonien qui a avalisé l’extradition de Rafik Khalifa vers l’Algérie pour escroquerie et détournement de deniers publics. La justice française est bien dans ses droits d’extrader qui elle le veut dans les conditions qu’elle désire. Mais n’était-il pas possible de faire condamner Moukhtar Ablaziov pour une peine de prison à exécuter en France ?

D’ailleurs, ils sont bien nombreux dans le monde ceux qui pensent avec désolation et grande amertume que « condamner Ablaziov à l’extradition en Russie ne serait rien d’autre que le condamner à mort ». Pour d’autres, même s’il réussissait à s’éviter une peine de mort, ses conditions de détention pourraient être des plus pénibles au monde.

Christiane Taubira, ministre française de la Justice doit éviter à la France une polémique
Christiane Taubira, ministre française de la Justice doit éviter à la France une polémique

Dans cette affaire donc, la justice française joue gros sur l’image « droits de l’hommiste » de la France. Aura-t-elle les moyens de s’assurer d’un procès équitable pour Moukhtar Ablaziov ? En cas de condamnation de ce dernier, pourra-t-elle lui éviter comme elle semble exiger de la Russie « une peine de travaux forcés » ?

Certes Moukthar Ablaziov a commis de graves crimes économiques contre des millions de personnes en Russie, en Ukraine et dans son Kazakhstan d’origine, mais la France pourra-t-elle sorti indemne de cette affaire juridico-politico-financière ?     Wait and see…

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