Les petits boulots de la Toussaint…

1 novembre 2013

Les petits boulots de la Toussaint…

Photo d'un cimetière...
Photo d’un cimetière…

J’avais 10 ans quand je vécus pour la première fois une vraie fête de Toussaint. Oui il a fallu attendre dix ans et me retrouver pas loin d’un cimetière dans la ville de Grand Popo (Bénin) pour comprendre toute l’importance de cette fête. Mais depuis cette date, mon attention ne se porte toujours pas sur la grandeur ou la signification de la Toussaint. Elle ne se porte ni sur les nombreuses messes qui se déroulent dans les églises catholiques et même dans les cimetières, ni sur le ballet des familles qui viennent rendre hommage à leurs morts. J’ai depuis 13 ans porté mon regard d’observateur, blogueur, journaliste, économiste ou comme vous le voulez sur ces jeunes gens qui, l’occasion d’une fête se trouvent une nouvelle profession. Un job occasionnel qui aurait tout sens ! Petit voyage au cœur des petits boulots de la Toussaint…

Au cimetière de Grand-Popo où j’ai eu le temps d’observer mes amis et de vivre la fête de Toussaint, je réalisai qu’à l’approche de chaque 1er novembre, la maison mortuaire commence par faire sa toilette. Elle reprend une certaine virginité qui parfois, en six ans où je suis resté juste en face lui donne une peau neuve. Des dizaines de familles y passent pour aménager la dernière demeure de leurs proches parents dont certains ont tiré leur révérence depuis des lustres. Et c’est cette volonté d’aménager le périmètre dans lequel vivent leurs proches qui donne naissance à ces petits boulots de la Toussaint soigneusement affectionnés par mes copains du quartier. De Grand Popo, à Parakou au nord du Bénin en passant par Cotonou la capitale économique, les travailleurs occasionnels de la Toussaint sont des spécialistes en nettoyage et embellissement. Seuls ou en équipes, enfants, vieux, hommes ou femmes ne manquent pas l’occasion de la Toussaint pour se remplir un peu les poches. Bien qu’il n’existe pas un tarif fixe pour les prestations, je me souviens comme hier que mon ami Michel mobilisait par moins de 5 000 F Cfa pour le sarclage des alentours de moins d’une dizaine de tombes par jour de travail. Qu’elle était la grande joie du peintre Eclouvi, légendairement reconnu dans le coin pour son travail très soigné de peinture. Je n’ai jamais réussi à savoir combien il arrive à engranger au quotidien durant la période la Toussaint pour son travail acharné sur de nombreuses sépultures. Il avait tout de même un sourire qui rassurait que tout allait au mieux.  Maman Cynthia, grande revendeuse de pots de fleurs, avait une chance inouïe d’avoir sa boutique située juste en face du cimetière. Mais n’empêche, elle s’entoure à chaque fête de Toussaint des services d’une bonne douzaine de jeunes gens et dames pour le démarchage des acheteurs et la décoration de la plupart des tombes du cimetière. Néanmoins, il y avait de la place pour d’autres de créer juste pour la Toussaint une petite entreprise de décoration. Dans ce marché de la Toussaint, il y a donc toutes les compétences ou presque. De l’agent d’entretien, à la décoratrice, en passant par le fleuriste, et le peintre, il ne faut pas oublier le maçon dont le service est de colmater les tombes ou d’en refaire d’autres avec l’aide des fossoyeurs. Mais que font les petits enfants et les femmes sur ce marché devenu à la longue très concurrentiel ? La plupart d’entre eux accompagnent les autres travailleurs pour des services intermédiaires. D’autres ramassent les mauvaises défrichées, d’autres encore vont chercher de l’eau pour les maçons. Mais il y en a qui se spécialisent dans le lavage des tombes réalisées avec des carreaux et qui n’ont très souvent plus besoin de grands travaux. Pour l’un ou l’autre de ces acteurs des petits boulots de la Toussaint, l’objectif n’est pas la rémunération, mais l’amour pour les disparus et l’entraide avec leurs proches. Ce serait pourquoi il n’y a ni de prix de base ni de négociation pour le service rendu, mais ce qui compte c’est le geste de cœur du demandeur. Aussi n’est-il pas rare de croiser dans les couloirs des cimetières les proches des disparus s’occuper eux-mêmes de ces petits soins. Une manière pour eux de maintenir davantage le contact avec eux et de leur témoigner encore plus profondément leur affection. Avec le chômage sans cesse croissant, on rencontrerait désormais dans ce lot d’employés de la Toussaint, toutes catégories de personnes en occurrence les étudiants, les diplômés sans emploi et les travailleurs saisonniers des entreprises. La dévaluation, la crise économique et la perte du pouvoir d’achat y ont consacré l’entrée des agents de la fonction publique, m’a confié par téléphone, Eclouvi qui est depuis le début de cette semaine à ses amours professionnels de la Toussaint.

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