Rejet du Budget 2014 au Bénin : Le pays passera encore sous ordonnance !

20 décembre 2013

Rejet du Budget 2014 au Bénin : Le pays passera encore sous ordonnance !

benin-communeAu Bénin, les nouvelles ne sont pas bonnes. Le pays semble s’engouffrer dans une spirale diabolique de cinglants désaveux  qui pourrait mettre en mal sa réputation et la mise en œuvre des  programmes de développement. Quelques jours après le refus du gouvernement américain d’accorder une aide financière de plus 300 milliards de francs CFA au pays pour cause de corruption massive dans le cadre du programme Millenium Challenge Account, c’est l’Assemblée Nationale qui vient de voter le rejet du budget de l’Etat 2014.

Vote à l'Assemblée Nationale...
Vote à l’Assemblée Nationale…

Avec 44 voix contre 39, les députés béninois viennent de faire subir un camouflet au gouvernement. Un rejet de la loi des finances exercice 2014 totalement imprévisible quand on s’en tient à la configuration du parlement où le gouvernement dispose d’une majorité écrasante de près d’une soixantaine de députés. Et le vote contre le budget 2014 a révélé des failles dans la mouvance présidentielle. Du coup, ils sont bien nombreux dans le rang des soutiens du Chef de l’Etat qui accuse le Président de l’Assemblée Nationale pour trahison.

Durant les deux mois d’étude du budget à l’hémicycle, seuls les élus de l’opposition affichaient une fin de non recevoir. Personne, encore moins le Chef de l’Etat ne pouvait s’attendre à cette déculottée du parlement. Confiance absolue en raison du nombre impressionnant de députés et des colossaux moyens à la disposition du Chef de l’Etat pour faire passer son budget malgré les nombreuses carences soulevées par les députés de l’opposition et les organisations de la société civile.

Mais coup de théâtre, les députés de la majorité présidentielle, du moins ceux qui ont décidé de se désolidariser de leurs collègues proches du pouvoir en place demandent, exigent et obtiennent le vote en secret du budget de l’Etat. Une première dans l’histoire de l’Assemblée Nationale du Bénin. Jamais le vote de la loi des finances ne s’est fait en secret. Par cet acte, les députés béninois semblent contraindre le Chef de l’Etat à prendre une ordonnance pour l’adoption et l’exécution de son budget. D’ailleurs, l’homme en est coutumier depuis sa prise de pouvoir.

Dr Boni Yayi: Faites vite, le pays est malade...
Dr Boni Yayi: Faites vite, le pays est malade…

Boni Yayi et ses ordonnances…

En son article 68, la Constitution Béninoise autorise le Chef de l’Etat à la prise d’ordonnance pour la mise en œuvre de certains projets de loi qu’il juge indispensable au développement du pays mais qui auraient subi un blocage au Parlement. En effet, l’article 68 dispose : « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national, ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées de manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et constitutionnels est menacé ou interrompu, le Président de la République, après consultation du Président de l’Assemblée Nationale et du Président de la Cour Constitutionnelle, prend en Conseil des ministres les mesures exceptionnelles exigées par les circonstances, sans que les droits des citoyens garantis par la Constitution soient suspendus. Il en informe la Nation par un message».

Et le recours à cette prérogative constitutionnelle dite de mesure exceptionnelle, Boni Yayi n’en sera pas à son coup d’essai. Quelques deux ans après sa prise de pouvoir en 2006, le docteur en Economie aura déjà prescrit sa première ordonnance pour le Bénin.

28 Juillet 2008 : Boni Yayi prend sa toute première ordonnance après le report sine die de la loi sur le code d’investissement par les députés à l’Assemblée Nationale.

04 Novembre 2008 : Les députés béninois enfoncent le clou. L’Assemblée Nationale passée dans l’escarcelle de l’opposition conduite par l’alliance politique l’Union fait la Nation (UN) vote contre le budget de l’Etat exercice 2009. Coup de théâtre, le Chef de l’Etat Boni Yayi passe à sa deuxième ordonnance en cinq mois.

31 Décembre 2009 : En quelque dix-huit mois, le Chef de l’Etat, Boni Yayi s’est une fois encore vu contraint de passer aux ordonnances. En effet, il vient d’essuyer un nouveau refus de l’Assemblée Nationale sur la loi des finances 2010. Ainsi, le Chef de l’Etat s’arroge de ses prérogatives constitutionnelles et décrète l’exécution du budget 2010 par ordonnance.

28 Juin 2010 : Quelques deux ans après sa première ordonnance le Chef d l’Etat béninois récidive. Cette fois-ci, une nouvelle ordonnance pour la ratification des accords de prêt refusée par les députés de l’Assemblée Nationale qui craignaient une collecte de fonds destinée à l’achat de l’électorat  pour la campagne électorale de 2011. Des élections que Boni Yayi remportera par un KO historique au premier tour et une majorité écrasante à l’Assemblée Nationale.

Face à la nouvelle attitude des députés de l’Assemblée Nationale qui, malgré leur appartenance en majorité aux formations politiques proches de l’exécutif, il n’est point de doute que Boni Yayi devra passer à une nouvelle ordonnance pour adopter et exécuter le budget de l’Etat 2014 bien qu’il soit jugé irréaliste et contre productif par les élus du peuple.

Une manière pour donner raison aux opposants qui affirmaient quelques années plus tôt avec les ordonnances répétées : « Nous sommes dans un pays qui est gouverné par ordonnance. »

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