De Rocher Chembessi

Rois, chefs traditionnels, dignitaires religieux et le business politique au Bénin !

Vue d'ensemble de quelques têtes couronnées du Bénin. Crédit Photo : 24haubenin.com
Vue d’ensemble de quelques têtes couronnées du Bénin. Crédit Photo : 24haubenin.com

C’est la nouvelle tendance politique au pays. Et elle prend bien de l’ampleur. Elle séduit même les cadres politiques du pays. Chacun d’eux joue pleinement le jeu. Un jeu qui s’apparente néanmoins à une profanation des valeurs ancestrales du pays.

Au Bénin, on connaissait les rois des palais royaux, les chefs traditionnels des couvents, les dignitaires religieux des temples et autres divinités endogènes. Mais aujourd’hui, ils se sont presque défaits de leurs palais royaux et temples. Leurs divinités dont ils assurent la garde, ce sont les hommes politiques du pays.Chaque jour qui passe, ils sont très nombreux ces hommes, précédemment investis d’une mission apolitique à serpenter les couloirs du palais présidentiel, des ministères, des sociétés d’Etat. Très nombreux à se faire quand ils se décident porte-voix d’un homme politique en difficulté ou non, ou aux aspirations politiques grandeur nature.

Le phénomène ne surprend plus. Il est même devenu l’activité politique la plus en vogue de l’été. Une nouvelle manière de faire la politique, qui pour certains a tout l’air d’une désacralisation des principes de royauté et de chefferie au Bénin.

L'honorable Claudine Prudencio à son arrivée au Palais Royal de Parakou: Crédit Photo: Claudine Afiavi Prudencio
L’honorable Claudine Prudencio à son arrivée au Palais Royal de Parakou: Crédit Photo: Claudine Afiavi Prudencio

D’abord, on se souvient de ces descentes à grand renfort médiatique d’une députée béninoise dans les cours et palais royaux du Bénin pour embarquer les rois, têtes couronnées et autres chefs traditionnels dans un bras de fer qui opposait un de ses proches à l’Etat béninois dans une affaire de passation de marché. Claudine Prudencio, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a fait le tour du pays pour disait-elle implorer la médiation des rois. Une stratégie qui aura sans doute payé puisque certains de ces rois n’ont pas hésité très publiquement à lui apporter leur soutien. D’autres sans doute, au prorata de l’estime qui leur a été accordée, ont même ouvertement dénoncé ce qu’ils appelaient « une cabale » contre un « prince » de leur royaume par le pouvoir. Et ils apportaient pleinement et publiquement leur soutien à l’homme d’affaires.

 

 

 

Suffisant pour que Boni Yayi prenne le taureau par les cornes. Adepte reconnu des pratiques de « théâtralisation », il fait convier toute la cohorte des rois, têtes couronnées, dignitaires religieux, et autres chefs de la République au Palais de la République. Une rencontre d’échanges, a-t-on dit. Mais elle était suffisante pour que les rois changent de langage. Sur le site du gouvernement, on pouvait bien lire que « les rois et dignitaires n’attendent pas marchander leur disponibilité face aux différents sujets qui agitent l’actualité nationale. »

Cet épisode de début de l’été politique a laissé place à un autre plus spectaculaire. En effet, il s’en suit une série de visites de courtoisie de proches du chef de l’Etat, ministres et députés de la mouvance présidentielle dans les palais royaux, et celle de certains potentiels candidats aux prochaines élections présidentielles. Et deux potentiels candidats sont coutumiers du fait.

Abdoulaye Bio Tchané et le roi de Toui, Credit Photo: Abdoulaye Bio Tchané
Abdoulaye Bio Tchané et le roi de Toui, Credit Photo: Abdoulaye Bio Tchané

 

 

 

Abdoulaye Bio Tchané, candidat malheureux à la présidentielle de 2011 usait déjà de cette stratégie pour sa campagne infructueuse. Et cet été encore, l’homme n’a pas rompu avec ses vieilles habitudes politiques. Difficile de se souvenir avec exactitude du nombre de palais royaux qu’il a fréquentés en cette année 2014. On sait tout de même que ce mois d’août, il a pu rendre visite aux figures de proue de la royauté du département des collines dans le Centre-Est du pays.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le probable candidat Robert Gbian aux présidentielles de 2016, Source: Acotonou
Le probable candidat Robert Gbian aux présidentielles de 2016, Source: Acotonou

L’autre potentiel candidat qui a fait des rencontres politiques avec les rois et têtes couronnées son tube de l’été, c’est le désormais très populaire général Robert Gbian (GRG). Il se distingue d’ailleurs comme le tout premier candidat affiché à la prochaine présidentielle pour laquelle il s’est lancé depuis plusieurs mois dans une précampagne qui ne dit pas son nom. A la surprise générale, il était le jour même où son frère cadet, Jonas Aliou Gbian se faisait débarquer du gouvernement par Boni Yayi aux côtés d’impressionnants et renommés rois et têtes couronnées du pays qui s’étaient retrouvé dans le département de l’Ouémé au sud-est du pays. Des déclarations agitées dans la presse, ces derniers n’ont pas tremblé pour apporter leur soutien au général Robert Gbian. Ils lui auraient même demandé et en lui accordant leurs bénédictions de se porter candidat à la présidence de la République.

Le ministre François Abiola avec quelques têtes couronnées...
Le ministre François Abiola avec quelques têtes couronnées…

Mais ce qui surprend plus encore, c’est l’inattendue visite de courtoisie que ces rois ont, dans leur grande majorité rendue quelque 72 heures plus tard au ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur, François Abiola, pour le féliciter de son maintien dans le gouvernement. Ce dernier, pressenti comme candidat au scrutin présidentiel et dauphin supposé du président sortant, aura reçu de la horde des têtes couronnées les mêmes encouragements et bénédictions auxquels ont eu droit ces probables challengers de 2016.

Et c’est cette n-ième incursion politique des rois et têtes couronnées du pays qui a déclenché la vague d’indignations sur les réseaux sociaux et dans l’opinion nationale. Des commentaires qui vont bon train s’offusquent autant contre la politisation des trônes et royautés du pays et la participation publique des rois et têtes couronnées à la vie politique. Certains se demandent même à combien sont rémunérés les rois et têtes couronnées pour leur activité politique. D’autres par contre, tentent de justifier la position des rois qui se retrouvent ou s’affichent avec tous les hommes politiques comme le symbole de la neutralité du trône royal.

Mais puisque la pilule semble prendre, il serait bien difficile de mettre fin au spectacle assez vite. Car comme le dirait l’autre « chacun y trouve son compte ».


Bénin : au revoir les taxis-motos ?

Les conducteurs de taxis-motos au Bénin...
Les conducteurs de taxis-motos au Bénin…

Ils font le charme des villes béninoises. Pas de cartes postales du Bénin sans ces valeureux hommes en jaune. Que vous entriez dans le pays par les airs ou la route, ils sont bien souvent les premiers qui vous accueillent pour vos courses express.

Les conducteurs de taxi-motos, affectueusement appelés « zémidjans » pourraient au fil du temps, du moins à la suite des réformes qui se succèdent dans le secteur de la sécurité routière au Bénin, faire leurs adieux.

Effet, les usagers de la route au Bénin sont soumis depuis quelques jours à un chapelet de réformes en matière de sécurité routière qui ne font pas pour autant les affaires de ces conducteurs de taxis-motos. Et le poids de ces réformes se ressentirait d’abord dans la cohorte des zémidjans de Cotonou puisque la plupart des nouvelles mesures sont pour le moment expérimentées dans la capitale économique du pays.

Des conducteurs de motos confinés sur la piste cyclable...
Des conducteurs de motos confinés sur la piste cyclable…

La toute première réforme de l’année qui imposait aux conducteurs de véhicules à deux roues (les motos), l’utilisation exclusive des pistes cyclables, avait déjà fait grincer des dents dans le rang des zémidjans. La Cour constitutionnelle en avait même été saisie par les usagers de la route. Mais sa décision donnera raison à la police nationale. Cette approche imposée par la police nationale a contraint ces hommes en jaune à réduire leur vitesse dans la circulation, car confinés dans une masse de motos dont les conducteurs ne sont pas toujours bien inspirés pour échapper aux embouteillages. Conséquence, le nombre quotidien de clients transportés par ces hommes est en baisse avec une paradoxale augmentation de la consommation en carburant; le temps de parcours pour toutes les distances ayant presque doublé.

Dans la foulée, ce fut l’immatriculation exigée à tous les véhicules à deux roues dont les opérations piétinent encore à la Direction des transports terrestres qui a secoué le monde des conducteurs des taxis-motos. Dans moins d’un mois, la police nationale devrait procéder au contrôle des immatriculations dans toutes les villes du pays. Et à quelques jours du début de cette opération, où moins de 10 % des motos en circulation au Bénin ont été immatriculées, il y a bien de quoi s’inquiéter pour les hommes en jaune. Sauf indulgence de la hiérarchie policière, Cotonou et ses environs seront bientôt vidés de ces engins.

Des usagers de la route avec leurs casques...
Des usagers de la route casqués…

L’autre réforme prémonitoire de la disparition douce du métier de conducteur de taxis-motos ou tout simplement, aux dires de certains de la réduction du parc motocycle au Bénin, c’est le port obligatoire de casque. Si cette mesure a fait jaser dans le pays en raison des infrastructures routières qui y seraient très peu adaptées, elle pourrait être suicidaire pour les conducteurs de taxis-motos. Bien qu’ils se soient pour la plupart conformés aux dispositions en acquérant leur casque et ceux des clients pour certains, c’est l’après-casque qui pose problème.

Les conducteurs portent au moins douze heures d’horloge leur casque au quotidien. Pas aisé ! Et selon certaines sources, le port de casque pour une longue durée aurait des conséquences sur la santé. D’autres parlent même d’effets neurologiques bien que cela reste à prouver par des spécialistes du domaine, qui pour l’instant, se refusent pour la plupart d’entrer dans la polémique.

Boîte à pharmacie ou pack de sortie de la profession de Zémidjans au Bénin?
Boîte à pharmacie ou pack de sortie de la profession de zémidjans au Bénin ?

Et s’il y a une mesure qui provoque stupéfaction, c’est l’arrêté interministériel du 31 juillet 2014 qui impose à tout conducteur de taxi-moto la possession d’une boîte de pharmacie (trousse de secours). Si avec moins de 10 000 F Cfa (moins de 20 euros), les conducteurs de motos peuvent se l’acheter, ce qui n’est pas le cas des zémidjans puisque les motos qu’ils utilisent ne possèdent pas un dispositif de transport de la boîte. Ils peuvent toutefois s’estimer heureux car la police et la gendarmerie nationale se seraient déclarées incompétentes pour le contrôle de la boîte de pharmacie. Reste à savoir si le gouvernement ne mettra pas en place un autre dispositif pour le contrôle.

Cependant, ça grogne dans l’univers des zémidjans au Bénin. Ils s’estiment harcelés et poussés vers la sortie. Pas de quoi apitoyer le gouvernement, cela fait bien des années que les différents gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays tentent vainement de réduire le nombre des taxis-motos. En attendant, les interrogations se focalisent sur le programme de reconversion de ces derniers puisque les taxis-motos, c’est le secteur qui emploierait le plus de main-d’œuvre au Bénin. Et s’ils arrivaient à raccrocher, il faudrait au gouvernement pouvoir gérer le flux des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Il devrait aussi s’assurer d’une bonne politique de promotion du transport en commun, qui est loin d’être dans les habitudes du Béninois…


Sommet Etats-Unis/Afrique : l’Obamanisation de l’Afrique ?

La philosophie "Obama" au coeur de l'Afrique, Crédit Photo : Alter
La philosophie « Obama » au coeur de l’Afrique, Crédit Photo : Alter

Ils étaient des centaines de jeunes Africains à se rendre cinq semaines durant aux Etats-Unis pour la Young African Leaders Initiative (YALI) du président américain Barak Obama. Occasion rêvée pour ces jeunes de vivre de près l’expérience du leadership américain autant dans l’engagement civique, le management public que l’entrepreneuriat.

Mieux encore, se souviendront-ils du Washington Fellowships Summit au cours duquel ils ont eu une rencontre exceptionnelle avec le président Obama. Ce dernier, ayant pendant 80 minutes dialogué avec ces jeunes du continent africain sur la sécurité, la bonne gouvernance, le renouvellement de l’AGOA ou l’effacement de la dette.

Après ces jeunes leaders du continent, cette semaine, c’est au tour des dirigeants africains d’aller à la rencontre, à l’école du premier président noir des Etats-Unis. Ils seront moins d’une cinquantaine de chefs d’Etat sélectionnés sur la base de certains critères liés à l’expression démocratique et la bonne gouvernance dans leur pays, mais aussi des relations entre ces pays et les Etats-Unis d’Amérique.

Obama et quelques Chefs d'Etats Africains, Crédit Photo : Tchad Pages
Obama et quelques chefs d’Etat africains, Crédit Photo : Tchad Pages

Cette rencontre entre les Etats-Unis et l’Afrique, la première du genre est pour la Maison Blanche une occasion de renforcer les « liens avec l’une des régions les plus dynamiques du monde ». Aussi, devra-t-elle permettre à l’administration américaine de convenir avec les dirigeants africains d’un cadre de coopération en matière de commerce, d’investissement, d’engagement vers la sécurité et la gouvernance démocratique sur le continent africain.

Et si ce sommet Etats-Unis/Afrique ressemble à plus d’un titre à de nombreux sommets bilatéraux entre l’Afrique et certains pays développés ou certaines régions du monde, il pourrait bien permettre à Washington de contrer l’offensive chinoise et de se repositionner comme un partenaire de poids. Mais l’autre chose qui attire l’attention autour de ce forum, c’est la grosse campagne médiatique déployée par la Maison Blanche et en prime la forte opération séduction du président américain.

Il fallait déchiffrer minutieusement son discours lors de sa rencontre avec les jeunes Africains pour y déceler les prémices d’une « Obamanisation » en vue du continent. Ce qui vient compléter avec ingéniosité l’enthousiasme du continent en 2008 à l’occasion de l’élection du premier président noir et d’origine africaine des Etats-Unis.

En effet tout en louant le talent, la motivation, et l’ambition des jeunes Africains qu’il a rencontrés, et notamment leurs grandes aspirations pour leur pays et le continent, Barak Obama leur a clairement  affirmé : « … Je veux être sûr que les Etats-Unis d’Amérique soient votre partenaire et ami tout au long du chemin. » Le ton est donné, Barak Obama ne lâchera pas ces jeunes pépites de l’Afrique.

Et pour que sa philosophie de la gouvernance qui devrait être celle de l’Afrique soit la mieux partagée et autant diffusée que possible, l’homme du « Yes, we can », promet la création sur le continent de quatre centres régionaux pour la formation au leadership des jeunes africains. Des centres qui seront basés au Ghana, Sénégal, Kenya et en Afrique du Sud dans lesquels les jeunes pourront apprendre le fonctionnement des institutions africaines et américaines.

Le Président Obama lors de sa rencontre avec les jeunes leaders d’Afrique. Crédit Photo : Maison Blanche

L’Obamanisation de l’Afrique, c’est désormais de nombreux programmes de stages et des opportunités professionnelles en faveur de la jeunesse africaine. Elle passe aussi par l’augmentation du nombre des boursiers du programme YALI, qui en 2016 atteindra 1 000 jeunes par année. Le credo du président Obama étant d’investir autant que possible dans la prochaine génération des jeunes cadres du continent pour une Afrique si convoitée par le monde qu’il veut « forte et autonome ». Et pour montrer son grand attachement aux valeurs positives du continent, Obama n’a pas hésité à rebaptiser son programme de mentoring des jeunes Africains Mandela Washington Fellowship for Young African Leaders.

Et cela, alors qu’il existe sur le continent d’autres initiatives de formation portant le nom ou dédiées aux grandes œuvres de l’ancien président sud-africain. Le plus connu de ces programmes étant le Mandela Institute for Development Studies (MINDS).

Autre point à souligner, le décalage d’esprit entre Barack Obama et ses pairs africains ou encore le déphasage de pratiques et d’esprit de gouvernance entre les Etats-Unis d’Amérique et les pays de l’Afrique. En effet, très peu de chefs d’Etat africains auraient suscité tant d’engouement. C’est aussi sans doute la conséquence directe de l’échec des programmes jeunesse développés sur le continent .

Et au rythme de l’engouement actuel des programmes « Obama » pour la jeunesse africaine, ils raviront sans doute la vedette aux quelques-uns, sporadiquement mis en œuvre par l’Union africaine, et dont les jeunes du continent ont d’ailleurs très peu connaissance.

Désormais, on peut se demander à quand l’arrivée au pouvoir ou au sommet des jeunes « obamanisés » du continent. Aussi, les programmes « Obama » pour l’Afrique pourront-ils vraiment permettre de définir avec précision les contours de la nouvelle Afrique prospère dans laquelle nombreux dirigeants sont obsédées par l’idée de s’accrocher au pouvoir.

L’Obamanisation est-elle suffisante pour sortir l’Afrique de sa léthargie actuelle et la libérer des vices de la mal gouvernance ?


Score de dictateur !

Abdel Fattah al-Sissi après avoir voté au Caire lundi. (Photo Amr Dalsh. Reuters), Source: Libération
Abdel Fattah Al-Sissi après avoir voté au Caire lundi 26 mai 2014. (Photo Amr Dalsh. Reuters), Source: Libération

Annonçant les résultats provisoires de la présidentielle en Egypte, la présentatrice d’une chaîne cryptée française déclarait sous un air un peu fougueux « Le maréchal Abdel Fatah Al-Sissi gagne l’ élection avec un score de dictateur ». Piqué au vif, je décide de me scotcher à la chaîne pour comprendre le contenu de ce score de dictateur. Et je découvre à travers le reportage que cela n’est rien d’autre que les faramineux 97 % obtenus par le maréchal Al-Sisi pour cette élection.

Je me posai une question. Les chiffres récoltés par le nouveau rais égyptien feront-ils de lui un nouveau dictateur sur le continent ? Y a-t-il un grain de prémonition dans le reportage ? Bien qu’il soit audacieux de prédire la connotation politique que donnerait Al-Sisi à son pouvoir, il y a bien des signes évidents qui inquiètent. Soupçonné être proche des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, pays dans lesquels il a fait ses études militaires, le président élu de l’Egypte, au nom de la lutte contre le terrorisme a lancé un mouvement de foudre contre certains adversaires politiques notamment « Les Frères musulmans » qui apeurent sur le futur politique du régime. Dans un billet de blog, un collège mondoblogueur se demande déjà si Al-Sissi ne légitimerait pas la répression par l’onction du pouvoir. La répression étant une fabrique des pouvoirs dictatoriaux, ça craint.

Curieux, je veux savoir combien sont-ils ces hommes parvenus au pouvoir avec des « scores de dictateur ». Le constat est effrayant. L’Afrique est toujours en pôle position. Mais pour une fois, je peux me réjouir qu’en dépit des « «fraudes massives » et autres « tripatouillages », le hold-up électoral en 2011 du président Boni Yayi au Bénin a été pensé à la juste limite d’un score de dictateur. Lui ayant remporté l’ élection au premier tour avec moins de 54 % des voix. Sauf qu’en souvenir de son score de 2006 pour son premier mandat, il était bien aux portes du cercle très rigide de ces hommes forts à légitimité étonnante avec un score de 75 % des suffrages exprimés.

Il y a trois ans, un classement du site d’informations Slate.fr, plaçait cinq chefs d’Etat africains dans le Top 10 des « dictateurs » élus avec les scores les plus élevés au monde. Mieux encore, la palme d’or revenait au président djiboutien Ismail Omar Guelleh élu avec « plus » de 100 % des voix au cours du scrutin de 2005. Dans ce palmarès, on y rencontre Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale, 95,4 % en 2009, numéro 3), Paul Kagame (Rwanda, 95 % en 2009, numéro 4), Pierre Nkurunziza (Burundi, 91, 6 % en 2010, numéro 5), Abdelaziz Bouteflika (Algérie, 90, 2 % en 2009, numéro 7) et enfin Hosni Moubarak (Egypte, 88, 6 % en 2005, numéro 10).

Et pour rappel, Hosni Moubarak se fera renverser en 2011 lors du « printemps arabe » ,Abdelaziz Bouteflika, quant à lui, se fait réélire même en fauteuil roulant en avril 2014 avec plus de 86 % des voix au premier tour.  Les autres du classement sont encore au pouvoir. Mais fort curieusement, ils ne sont pas les seuls à décrocher ou légitimer leur pouvoir par des scores « staliniens ».

Robert Mugabe (Zimbabwe), Yuri Museveni (Ouganda), Paul Biya (Cameroun), Blaise Compaoré (Burkina-Faso), Denis Sassou-Nguesso (Congo), Idriss Déby Itno sont épinglés par le blogueur tchadien Makaïla. Autant d’éléments bien surprenants, car la plupart de ces pays se réclament être dans un système démocratique. Normal; la démocratie ici est du Nescafé ou on en sait très peu.

En attendant d’y voir plus clair, les projecteurs sont braqués sur le tout nouveau président égyptien pour sa conduite de pouvoir.


Démocratie Nescafé !

La démocratie en Afrique est-elle aussi noire? Source Photo : Contrepoints.org
La démocratie en Afrique est-elle aussi noire? Source Photo : Contrepoints.org

Plus de doute, les démocraties africaines sont à rude épreuve. Le label démocratique du continent s’effrite. Des pays encore considérés comme des temples de la démocratie basculent. Normal, pour une démocratie africaine bâtie sur du sable mouvant.

Démocratie Nescafé ! s’écria quelques mois après sa réélection en 2011 l’actuel président béninois Boni Yayi pour caricaturer la démocratie dans son pays. Pour lui, le jeu démocratique qui se joue dans son pays était bien fragile. Il était bien du goût sucré-amer ou sucré-salé comme le célèbre contenu de la boîte de Nescafé, le café.

Même si pour Boni Yayi, c’était la peur de voir s’estomper sans prévenir un beau matin la démocratie dans son pays, il y a bien d’événements qui s’enchaînent sur le continent qui illuminent assez bien que c’est l’hémisphère démocratique de l’Afrique qui est bien fragile.

 

Caricature sur la démocratie en Afrique, Source: La Revue de Lanack
Caricature sur la démocratie en Afrique, Source: La Revue de Lanack

Des exemples foisonnant de toute part inquiètent sur l’avenir du système démocratique sur le continent. Si dans certains pays, on est presque au bord de l’implosion sociale, d’autres flirtent avec la régénérescence d’une crise politique ou sociale, et d’autres sont encore incapables de surmonter les vestiges des crises passées.

En Afrique de l’Ouest, l’accalmie observée au Bénin ne tient encore que sur un fil. Sans doute, le mérite aux syndicalistes qui ont sursis aux mouvements de paralysie de l’administration publique. La faible activité politique de l’opposition y est certainement pour quelque chose.

Mais à quelques kilomètres de Cotonou, chez ses voisins du Nord, le Niger et le Burkina-Faso, nous sommes déjà dans une démocratie malade. Une démocratie moribonde qui fait sans doute resurgir dans les mémoires ce coup d’Etat dit « salvateur » pour la restauration de la démocratie. Un coup de force orchestré quelques années plus tôt par les militaires pour déloger le président Mamadou Tandja au Niger. Dans ce pays réputé pour son uranium, mouvance et opposition ne parlent que le langage du chat et de la souris. Des amis circonstanciels d’une élection présidentielle s’entredéchirent. Au  » pays des hommes intègres », le locataire du palais de Kosyma, le président Blaise Compaoré très peu bavard, regarde en œil de renard la guéguerre entre ses proches lieutenants et l’opposition autour d’une certaine modification de la Constitution qui lui permettrait de se maintenir au pouvoir en 2015. Mais il y a bien un goût de caféine dans la démocratie du pays.

Que dire de la Côte d’Ivoire où pro-Gbagbo (opposition) et pro-Ouattara (au pouvoir) se font peur à chaque instant. Des incompréhensions toujours menaçantes pour une démocratie fabriquée au crépitement des armes.

Cameroun, République démocratie du Congo, Congo, Tchad et Gabon dans l’Afrique centrale n’ont presque pas de leçons à enseigner aux autres. Le niveau de mercure n’est pas stable chez eux aussi. Le jeu démocratique est normal, car c’est le parti au pouvoir qui mène la danse. Car c’est les autres, c’est le diable qui s’annonce. Il faut s’en débarrasser au plus vite. Les nombreuses tensions politiques, crises militaires, et polémiques constitutionnelles dénotent bien du goût amer de la démocratie dans cette partie du continent.

Et je me garde de parler du Burundi où là-bas on ne voit que partout des actes d’atteinte à la sûreté de l’Etat. La démocratie est encore teintée de partis ethniques, du diktat d’anciens chefs de guerre et une société civile réduite bien souvent au silence. Mais le pays revendiquera qu’il est dans la Démocratie.

Et quand Joyce Banda fait son show et annule les élections générales au Malawi, ça sent la honte et une incompréhension totale. Si c’était un homme, on aurait tenté de comprendre, mais pour une femme portée sans élection à la tête d’un pays modèle de croissance économique et de stabilité politique sur le continent, cela sent mauvais, très mauvais même. Où est bien passé le cœur de femme ? L’autre n’avait-il pas tort de nous faire chanter tous en chœur qu’éduquer une femme c’est éduquer une nation. Heureusement qu’il y a encore les autres sous d’autres cieux (je ne parle pas de la Thaïlande) qui donnent encore espoir à la gente féminine.

Mais l’acte de Joyce Banda vient clairement rappeler que l’Afrique anglophone n’est pas pour autant exemplaire sur le jeu démocratique. Bien évidemment, nul n’avait dit le contraire. Avec l’Ouganda et le Zimbabwe dans la boue, le Nigeria, le Liberia, l’Afrique du Sud et les autres déchirés par les querelles politiques, la démocratie n’est pas encore sainte là-bas.

L’hécatombe, c’est dans le Maghreb. On peut se permettre d’extraire le Maroc des mauvais élèves pour système politique encore monarchiste, mais l’Egypte, l’Algérie, la Tunisie et bien subsidiairement le Soudan ne font pas rêver les démocrates bon teint.

La démocratie sous les tropiques, une grosse incantation ?