De Rocher Chembessi

Afghanistan : des opiacés en or…

Un champ de pavot en Afghanistan
Un champ de pavot en Afghanistan

Enfant, mon père me préparait à être un Homme. De ces conseils, j’en retiens que je devrais savoir m’adapter à toutes les situations. Je devrais développer en moi une forte capacité d’adaptation digne d’un bon acteur de Hollywood. Et si je n’avais pas fait mienne cette éducation paternelle, j’aurais connu maintes difficultés à écrire ce  billet à la sauce afghane.

Je ne pouvais parler de l’Afghanistan sans me mettre dans une belle carapace de soldat. Je ne pourrais faire voyager ma plume à Kaboul sans ma tenue militaire. Mais heureusement, mon billet afghan ne surfera pas sur les virulentes zones de combat du pays de Hamid Kazaï[1]. En effet, il ne parle point de ces combats entre forces alliées de l’Organisation Atlantique nord (Otan) et insurgés talibans, ni de ces nombreux attentats à la voiture piégée et de ces kamikazes qui s’explosent à longueur de journée dans les grandes villes de ce pays en ruine. Pour qui connaît l’Afghanistan, il y a autant, sinon plus sérieux que la guerre.

L’Afghanistan n’est pas que le pays de ces montagnes où se dissimulent les chefs de guerre talibans, les terroristes d’Al-Qaïda.  L’Afghanistan, c’est aussi ces milliers d’hectares de champs où se cultive l’opium[2]. Pour ceux qui en doutent, ce n’est seulement pas en Amérique du Sud, ou dans quelques villages reculés de l’Afrique que la production des stupéfiants (cocaïne, marihuana, etc.) est en vogue. En Afghanistan, l’opium est la culture du peuple. Ironiquement, c’est la première culture vivrière du pays.

Triste réalité !

Cette année, la surface dédiée à la culture d’opium atteint un record dans le pays. Dans un rapport publié ce mercredi par le Bureau des Nations-unies contre la Drogue et le Crime (UNODC), la superficie totale de champs d’opium est passée de 154 000 hectares en 2012 à environ 209 000 hectares en 2013. Cette hausse de plus de 36 % en moins de douze mois fait de l’Afghanistan le grenier par excellence de production de l’opium. En effet, la production locale, en hausse de 49 % par rapport à 2012, estimée pour cette année à plus de 5 500 tonnes représenterait aux dires des enquêteurs, environ 90 % de la production mondiale. Et l’Afghanistan n’est pas disposé pour le moment à se défaire de cette tristement honorable place de numéro 1 mondial en production de l’opium. Aussi, l’opium contribue-t-il à plus de 50 % de l’économie locale. Et la production locale aurait pu être plus grande si les conditions météorologiques n’étaient pas défavorables dans le sud et à l’ouest du pays. Face à cette situation, la communauté internationale semble impuissante pour endiguer le phénomène.

De l’opium comme arme de guerre ?

Bien que cette folle production de l’opium constitue une forte menace pour la santé publique du pays et même du monde entier (hausse de la consommation mondiale), la lutte contre la production est fortement handicapée par la situation sécuritaire et économique du pays. En effet, la production de l’opium sert simultanément d’armes de guerre pour les différentes parties belligérantes. Pour les talibans, c’est un riche moyen de financement de la redoutable guerre qui perdure depuis des années. Avec les taxes perçues auprès des producteurs, cela leur permet de rester économiquement forts pour continuer les combats. Du côté des forces alliées de l’Otan et du gouvernement de Kaboul, la faiblesse de la lutte, teintée de la corruption mondiale sur le marché des stupéfiants, serait justifiée par le fait qu’une destruction massive des champs d’opium bien qu’elle serait un choc économique pour les rebelles, pourraient favoriser une augmentation de leurs effectifs. En effet, le rapport souligne clairement que les populations deviendraient pauvres et elles n’hésiteraient pas à rejoindre les rebelles pour une insurrection. Et avec le départ annoncé des forces de l’Otan pour 2014, il ne faut pas prendre le risque d’enliser la situation sécuritaire. D’ailleurs, le gouvernement s’est ravisé sur sa politique de destruction des champs et de reconversion des producteurs dans les cultures vivrières.

En Afghanistan, la culture de l’opium a donc de beaux jours devant elle. L’hégémonie acquise par le pays en 1980 dans le secteur ne s’estompera pas de sitôt. Cédé à plus de 169 dollars aux négociants, ce marché de l’opium n’a rien à envier au marché d’or, de diamant, et du pétrole des autres pays du monde. Et pour la “campagne 2014’’, on s’attend à une production encore plus forte, car les acteurs du secteur se décideraient à « préserver leurs avoirs face à la perspective d’un futur incertain qui pourrait résulter du retrait des troupes internationales fin 2014 » souligne le rapport.



[1] Homme d’État afghan, élu président de l’Afghanistan en 2004, lors de la première élection présidentielle directe de l’histoire du pays, il a été placé à la tête du pays après la chute des talibans, en décembre 2001. Hamid Karzaï a incarné la transition démocratique en présidant à la mise en place d’institutions et d’élections libres.

[2] L’opium est issu de la culture du pavot.


Maroc : la sagesse d’un monarque !

Mohamed VI, roi du Maroc
Mohamed VI, roi du Maroc

Enfin il est là ! Le vaste programme marocain des régularisations des “sans-papiers’’ entre au 1er janvier 2014 dans sa phase active. Dans quelques semaines, un peu moins de trente mille migrants en situation clandestine dans le royaume chérifien se verront attribuer des titres de séjour officiel. En rendant publiques, lundi dernier, les modalités de cette grande campagne de régularisation des sans-papiers, les autorités de Rabat tentent de prouver au monde entier leur bonne foi.

Cette bonne nouvelle, le roi Mohamed VI l’avait annoncée en septembre dernier à la face du monde après la publication du rapport du Conseil national des droits de l’homme au Maroc (CNDH). Loin d’être un acte de générosité, cette volonté manifeste du Mohamed VI est d’une grande sagesse historiquement reconnue aux monarques marocains. Dans certains grands milieux en Afrique subsaharienne, le règne du roi Mohamed VI est fortement célébré, car ce dernier aurait malgré tout réussi à faire du Maroc «  une terre d’accueil ». Mais non pas seulement pour des immigrés de l’Afrique subsaharienne. En effet, le royaume chérifien compterait autant d’immigrés clandestins européens.

Aux dires de certaines associations de lutte contre le racisme, il existerait au Maroc plus de 15 000 immigrés en situation illégale originaires de France, d’Espagne et des pays européens en crise. Le rapport du CNDH est soumis à l’appréciation du monarque, et celui-ci semble être bien informé de la situation. Selon des propos rapportés par le site d’informations en ligne (www.afrik.com), Mohamed VI aurait déclaré expressément « réitéré la nécessité de procéder à la régularisation de la situation de ces personnes en matière de résidence et d’activités qu’elles exercent, au même titre que les immigrés réguliers des autres nationalités, dont les immigrés subsahariens »[1]. A la lecture de ces déclarations, on pourrait s’empresser de croire à une démarche plutôt bénéfique à ces milliers d’immigrés illégaux venus d’Europe. Néanmoins, la sagesse de la décision du monarque réside dans le fait qu’elle pourrait atténuer un tant soit peu cet ostracisme à l’égard de la communauté noire du pays. Pour rappel, quelques clandestins africains ont été victimes l’été dernier d’actes dignes d’une grande barbarie.[2]

Une cohorte de clandestins...
Une cohorte de clandestins…

Aussi pourrait-on s’attendre à une politique migratoire plus dure du royaume à la fin de cette opération qui durera jusqu’en décembre 2014. Même si le roi Mohamed VI est la figure de proue de cette campagne exceptionnelle, il n’aurait pas manqué de rappeler que « le pays ne saurait accueillir tous les migrants qui souhaitent s’y installer». Le ton est donc donné. Le royaume chérifien ne voudrait pas être vu comme le nouvel Eldorado pour les candidats subsahariens à l’immigration.


Chine : Fin de la croissance économique ?

Doit on craindre pour l'économie chinoise?
Doit on craindre pour l’économie chinoise?

La Chine vit-elle ses dernières heures de gloire économique ? A quoi doit-on s’attendre sur le futur économique de l’Empire du Milieu ? La grande muraille économique en vogue depuis les années 1980 s’effondra-t-elle ?

Excédent commercial en baisse ! Exportations commerciales en souffrance ! Consommation locale au ralenti ! Production industrielle en pleine contraction ! Investissement étranger oscillatoire ! Croissance à deux chiffres révolus ! 270 à 300% de part de dette dans le Produit Intérieur Brut (PIB) ! La Chine économique de 2013 doit-elle inquiéter ? Les dernières réformes économiques annoncées par le Bureau Politique du Parti Communiste laissent présager d’une Chine malade de son succès. Et déjà, ils sont nombreux ces économistes qui prédisent un ralentissement plus accru de la croissance économique au pays de Mao dans les toutes prochaines années. Mais est-ce la fin d’une économie chinoise qui aura tenu toute l’humanité en haleine? Guillaume Gaulier, économiste dans un rapport d’expertise économique sur la Chine estime que la fragilité du modèle de croissance chinois est la résultante d’une dynamique de développement économique fortement basée sur les exportations. Et avec l’effondrement sans cesse alarmant de la demande mondiale depuis 2008, les succès fulgurants du pays sur les marchés internationaux ne peuvent malheureusement plus tenir lieu de stratégie de développement à long terme. Du côté chinois, on semble être très conscient de la situation. En attendant que les nouvelles réformes économiques du bureau politique du parti unique ne soient révélées au monde, il y a de fortes chances que de la Chine recentre sa croissance sur sa demande intérieure. La nouvelle économie chinoise pourrait ne plus dépendre des exportations. Politiciens, économistes, populations s’accordent au minimum à la stabilisation des exportations pour éviter le pire.

Un drame ?

Non ! Estiment la plupart des chinois. Des informations recueillies sur le net montrent tout de même que certains craignent des programmes d’ajustement ou de changement structurel. Mais au-delà, le pays affiche un taux d’épargne assez élevé, une lutte acharnée et presque parfaite du gouvernement contre le chômage et l’inflation.

Qu’en est-il des finances locales ?

En Chine, le marché boursier est en rouge ! Shanghai pleure ! Shenzhen rampe ! C’est le triste visage du marché financier du pays depuis des mois. Là-bas, la chute des bourses locales a atteint un plancher record, selon les analystes. Seule bonne nouvelle, cette mauvaise mine des places boursières ne serait pas étroitement liée au ralentissement annoncé des exportations chinoises. En effet, la Chine des finances fait face au remboursement des emprunts contractés par les municipalités pour leurs grands projets de construction d’infrastructures.

La marche en dents de scie de l’économie chinoise depuis le début de l’année doit-elle fait peur aux Africains ? L’Afrique sera-t-elle la victime collatérale de grande ampleur des mauvaises prédictions annoncées sur l’économie chinoise ?

A votre avis chers lecteurs….


Béninois et Fier de l’être !

Tout n’est pas désillusion au Bénin. L’amertume ne saurait être le triste quotidien des béninois. Et l’ignorance ne doit s’ériger en mode de vie collective dans mon Bénin natal. Réputé par le passé être une terre d’excellence, le Bénin est secoué depuis quelque peu par des brouhahas politico-juridico-administratifs qui n’en font que ternir de l’image. Mais l’espoir est permis. Et cette lueur d’espoir a jailli par trois fois cette semaine sur la terre du très vénérable roi Béhanzin. Trois grands faits historiques qui ont redoré sans doute pas pour l’espace d’une semaine au Bénin son légendaire blason du quartier Latin de l’Afrique d’antan.

 

La façade principale de l'Université d'Abomey-Calavi
La façade principale de l’Université d’Abomey-Calavi

L’Université d’Abomey-Calavi (UAC), anciennement connue sous l’appellation de l’Université Nationale du Bénin (UNB) jusqu’en 2001 fait après un peu de moins 40 années d’existence son entrée dans le Top 100 des universités d’Afrique. Inconnu l’an passé, l’Uac se positionne à la 84ème place de ce classement des meilleures universités d’Afrique éditée par la « Cybermetrics Lab ». Et ceci n’est point un fruit du hasard. En effet, l’équipe rectorale du Prof Brice Sinsin a depuis son installation en Décembre 2011, mis en œuvre une série d’actions qui justifient ce grand bond de l’Uac dans le Top 100 des “prestigieuses’’ universités du continent. Aussi, l’Uac devient-elle la deuxième université francophone de l’Afrique de l’Ouest juste derrière “l’indéboulonnable’’ université Cheick Anta Diop (Ucad) du Sénégal. Bien que ce classement fasse objet de vives polémiques dans le monde de l’enseignement supérieur, il faut dire que l’actuelle équipe rectorale de l’Uac n’est pas à sa première prouesse internationale. Pour sa qualité de gestion en matière de rayonnement, d’ouverture et d’excellence académique, de leadership, d’innovation technologique sur le campus, l’Uac a été distinguée le 27 octobre dernier à Paris par la World Quality Commitment Award en recevant le prix « Convention » dans la catégorie platine. De belles performances qui font la fierté du pays et qui devraient sans doute inspirer les autres unités administratives de l’Etat notamment celles de l’éducation et en particulier de l’Université de Parakou (deuxième université publique du Bénin).

Le Prof esseur Wantchékon signa le 12 Octobre dernier son acte d'admission à l'académie...
Le Prof esseur Wantchékon signa le 12 Octobre dernier son acte d’admission à l’académie…

Toujours dans le monde scientifique, le Bénin a aussi fait parler de lui par la qualité intellectuelle intrinsèque d’un de ses fils. Léonard Wantchékon, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est désormais admis à l’Académie Américaine des Arts et des Sciences. Economiste, béninois de naissance, enseignant à l’Université Princeton aux Etats-Unis, Directeur Fondateur de l’Institut de Recherche en Economie Politique (IREP) et de l’African School of Economics (ASE) au Bénin, Léonard Wantchékon est ce qui se fait de mieux, aujourd’hui dans les sciences sociales notamment dans l’analyse des politiques économiques dans le monde. Et son admission dans l’académie américaine des sciences est une suite logique de la carrière et de la réputation de l’homme aussi bien dans les grandes universités américaines que dans la sphère politique du pays de l’oncle Sam. En effet, cet émérite enseignant est auteur de plusieurs articles en théorie de développement économique et politiques publiques indexés dans des grandes revues scientifiques telles que American Economic Review, Quarterly Journal of Economics, American Political Science Review, World Politics, Journal of Theoretical Politics, Comparative Political Studies, Constitutional Political Economy, etc… Ce grand homme des sciences vient par cette consécration honorer la terre de ces ancêtres, une terre avec laquelle il est resté fortement attaché.

Ici est érigé à Ouidah le premier musée d'art contemporain de l'Afrique...
Ici est érigé à Ouidah le premier musée d’art contemporain de l’Afrique…

Le Bénin séduisant de cette semaine, n’est pas que scientifique ou seulement dans l’enseignement supérieur. C’est aussi le Bénin de la Culture. Ouidah, ville historique du Bénin, reconnu pour son vaudou, la Traite des Noirs,  ses grandes bâtisses coloniales devient le temple de l’art contemporain africain. En effet, cette ville située sur le littoral béninois à quelques 40 km de Cotonou abrite depuis cette semaine le tout premier musée d’art contemporain de l’Afrique. Sous l’initiative de la Fondation Zinsou, ce musée qui servira de cadre d’exposition des œuvres d’art, permettra  de rapprocher les Africains et l’Afrique de l’art contemporain. Installée dans la villa d’Ajavon, ce musée, pour sa première grande exposition d’ouverture, a fait place aux œuvres de treize (13) grands artistes du continent. Un honneur de plus pour le Bénin ! dira-t-on. Mais ce musée unique en son genre sur le continent est la fierté de l’Afrique. Et Ouidah, la petite ville au Sud Ouest du Bénin en est mille fois honorée. Mais point de doute, ce nouveau temple mémorable de l’art contemporain africain serait une destination plus prisée des touristes étrangers que ceux d’Afrique et du Bénin.

L’Université d’Abomey-Calavi (Uac) dans le Top 100 des universités d’Afrique, le Professeur Léonard Wantchékon admis à l’Académie Américaine des Sciences, Ouidah (Bénin) accueille le premier musée d’art contemporain de l’Afrique, quoi de plus légitime de manifester sa fierté d’être béninois. Et une fierté plus grande lorsque Stéphane Sèssègnon, capitaine de l’équipe nationale de football du Bénin est buteur en championnat d’Angleterre face à Chelsea du charismatique José Mourinho et avec à la clé un match nul de deux buts partout à Standforbridge.


Gestion des déchets industriels et miniers : l’Afrique toujours à la traîne ?

Agbogbloshie (Ghana), premier site pollué au monde selon le rapport Blacksmith Institute (2013)...
Agbogbloshie (Ghana), premier site pollué au monde selon le rapport Blacksmith Institute (2013)…

Le Top 10 des sites les plus pollués est connu. Depuis le début de cette semaine, le rapport 2013 Blacksmith Institute et de Green Cross Suisse fait couler beaucoup d’encre et de salive dans le rang des leaders environnementaux du monde. Et presque à la surprise générale de tous, c’est un rapport accablant sur la gestion des déchets industriels en Afrique.

En effet, trois pays africains figurent sur la dizaine de sites incriminés par les deux organisations non gouvernementales ayant mené l’enquête. Et sur le contient, c’est l’Afrique de l’Ouest qui détient la triste palme en matière d’existence de sites industriels à grande échelle. Pas besoin de débourser de grosses fortunes d’argent si vous vivez sur le corridor Abidjan-Lagos pour découvrir la grande tour de la pollution industrielle du monde. Selon le rapport des ONG, Agbogbloshie (Ghana) est le site le plus pollué au monde. Cette petite banlieue pauvre d’Accra d’environ 40 000 habitants, destination favorite des déchets électroniques et informatiques de presque toute la planète vient juste devant Tchernobyl (Ukraine) qui vit encore sous le poids polluant de la catastrophe nucléaire d’avril 1986. En effet, Agbogloshie est sans aucun doute la plus grande décharge du monde avec plus de 192 000 tonnes de déchets électroniques : ordinateurs, téléphones, mais aussi réfrigérateurs ou fours à micro-ondes hors d’usage. Aussi, emploie-t-elle dans une économie parallèle plus de la moitié de la population locale : en l’occurrence des jeunes et mineurs qui recherchent des métaux précieux affectionnés par l’artisanat local.

Delta Niger, victime silencieuse et quotidienne de la marée noire...
Le delta du Niger, victime silencieuse et quotidienne de la marée noire…

A quelques kilomètres à l’est du Ghana surgit le très redoutable delta du Niger  connu par les mouvements d’insurrection du Mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger (MEDN), ce territoire nigérian plus grand que le Togo est l’une des grosses victimes des impacts environnementaux de l’exploitation pétrolière. Les quelque 170 millions de Nigérians qui vivent sur ces 70 000 km², assistent presque impuissants aux nombreuses fuites de pétrole des pipelines installés le long du troisième plus grand fleuve de l’Afrique. Du pétrole contre la mort ? pourrait-on bien s’interroger car l’essentiel de la production nigériane se fait dans la région.

Et pour se convaincre que l’Afrique a encore du chemin à parcourir dans la gestion des déchets industriels ou dans la dépollution et/ou la reconversion de ces espaces industriels, un petit détour à Kwabé en Zambie suffit pour découvrir le sixième site le plus pollué au monde selon le classement fourni par BlackSmith Institute. Et on dirait bien que Kwabé est un mauvais élève par excellence en matière de gestion d’impact environnemental. Déjà décrié dans le précédent rapport (2007), cet ancien centre métallurgique et ferroviaire (plomb, zinc, etc.) souffre du manque de sérieux dans les politiques de reconversion des bassins miniers sur le continent. Du coup, on y dénombre plusieurs enfants contaminés par les résidus des ces minerais.

Kwabe, l'autre eldorado de la pollution industrielle en Afrique...
Kwabe, l’autre Eldorado de la pollution industrielle en Afrique…

Quel impact de cette grande pollution sur les populations locales ?

Le rapport se fait très clair sur les critères de classement. Il tient compte en grande partie de l’impact sanitaire de ces sites sur les populations locales. Ainsi, le rapport sur les polluants indique que l’impact des polluants environnementaux sur la santé est aussi grave, voire plus grave que celui des maladies les plus dangereuses de la planète, et que ces polluants menacent des millions de vies humaines. L’Organisation mondiale de la santé estime quant à elle que 20 % de la mortalité dans les pays en développement sont directement liés aux polluants environnementaux. En outre, on considère que près d’un tiers des cancers déclarés dans le monde sont dus aux polluants environnementaux. Cette proportion, au demeurant très élevée, l’est encore plus dans les pays en développement, donc dans les zones limitrophes des sites déclarés très pollués sur le continent.

Quelle alternative pour les pays africains ?

Sur cette question, plusieurs spécialistes en environnement affirment que tout réside dans la volonté politique. A cet effet, ils ne cessent de rappeler aux différents gouvernements la nécessité d’intégration des enjeux environnementaux dans les politiques publiques de développement. Et pour le docteur Stephan Robinson, directeur du Programme désarmement et eau, de Green Cross Suisse, la lutte contre la pollution de l’environnement devra être une priorité notamment dans les pays en développement comme ceux de l’Afrique. En effet, la dépollution pourrait apporter des améliorations sensibles au niveau de la santé des populations, voire sauver des vies, notamment celle des enfants. Aussi, estime-t-il au regard des avancées obtenues après le rapport de 2007 que « l’élimination des polluants environnementaux est difficile, mais pas impossible »[1]. Et pour Nathalie Gysi[2], directrice de Green Cross Suisse, « Ces perspectives encourageantes doivent inciter les gouvernements à soutenir le financement de telles mesures». A cet effet, la seule alternative pour l’Afrique, ses gouvernants et sa population est une prise en compte réelle des préoccupations environnementales qui touchent au bien-être des populations du continent.



[1] &2   Cités tous deux dans le communiqué de presse de BlackSmith Institute.